Deux têtes dépassent du groupe. Celles de Yannick Jadot et David Belliard, pas loin de quatre mètres à eux deux. L’eurodéputé et l’adjoint parisien, accompagnés par Anne Souyris, également adjointe en charge de la Santé, et Emmanuelle Pierre Marie, la maire EE-LV du XIIe arrondissement, visitaient ce samedi un centre d’hébergement d’urgence Emmaüs, à la lisière du bois de Boulogne. Un déplacement destiné à relancer la campagne semi-officieuse de Jadot en mettant en scène une idée : écologie et social ne s’opposent pas, comme certains aimeraient le faire croire, mais vont de pair. Et le vert a choisi, pour le démontrer, de venir sur le terrain d’Anne Hidalgo, entouré d’élus parisiens. 

Ces derniers temps, les jadoistes - si tant est que cette espèce existe -, enragent en voyant la maire de Paris s’afficher dans les kiosques. Ils savent qu’il n’y a qu’une seule place sur le créneau de la sociale écologie, face à Jean-Luc Mélenchon, et voient que la socialiste est en train de convaincre et de se convaincre que c’est la sienne. «Je lis vos journaux, j’écoute vos radios, je vois qu’il y a une sorte de confort et de conformisme à se dire que la sociale démocratie au pouvoir ce serait rassurant», a raillé Jadot face aux journalistes présents. Un proche de l’eurodéputé analyse : «Hidalgo est extrêmement présente. Tous les médias la trouvent formidable, c’est un problème pour nous. Il ne peut y avoir que deux candidats à gauche. L’enjeu, c’est qui est le deuxième ? Hidalgo ou Jadot ? C’est les sondages qui vont en décider, donc il faut assurer une présence pour ne pas se laisser distancier». Elle oui, lui donc. Du côté, de la socialiste, on en a bien conscience et on a confiance. «Je ne vois pas l’espace politique de Jadot si elle est candidate, analyse un adjoint parisien. La grande différence entre les deux, c’est qu’elle, elle a fait des choses». 

Les soutiens de l’eurodéputé, eux, ruminent encore le calendrier imposé par le parti écolo. EE-LV doit organiser sa primaire en septembre, après les régionales. Trop tard, selon eux. «On est muselés pendant neuf mois», peste l’un d’entre eux. L’agenda est un alibi rassurant car en réalité, il n’empêche pas Yannick Jadot d’être en campagne. Depuis septembre, il tente d’occuper l’espace. Et Anne Hidalgo, elle non plus, n’a pas le tampon de son parti. «C’est la maire de Paris, elle a une vraie posture. D’ailleurs, elle cherche à éviter l’étiquette PS. Jadot, il est quoi, s’il est pas le candidat des écolos ? C’est Jadot. Donc on a besoin de toutes les forces possibles», estime un vert. Le problème n’est d’ailleurs pas propre à Jadot. Le maire de Grenoble, Eric Piolle, également candidat putatif, a tout autant de mal à émerger. 

Dans le camp Jadot, on est d’autant plus irrités qu’Anne Hidalgo ne ménage pas les verts. La maire de Paris a bien compris que les écolos ne se rangeraient pas sagement derrière elle. Pas question donc, de les cajoler. L’objectif, c’est de les phagocyter. Le rêve, qu’ils stagnent sous la barre des 5% d’intentions de vote pour n’avoir d’autre choix que de la soutenir pour éviter la débâcle. «C’est une stratégie d’empêchement, un peu comme Macron et Valls ont empêché Hollande», analyse un socialiste.

Le conseil de Paris, où roses et verts siègent ensemble, avec les rouges, est ainsi devenu un champ de bataille. Après l’affaire Girard et le procès en républicanisme, ces derniers jours, les partenaires s’affrontent au sujet d’un projet de logements sociaux dans le XVIe arrondissement. Projet annulé par le tribunal administratif, décision saluée par le groupe EE-LV du secteur. «Se féliciter d’avoir bloqué 80 logements sociaux dans un des arrondissements qui en manque le plus… Tout un programme…»,a répondu Ian Brossat, l’adjoint au Logement. «Une maladresse instrumentalisée» pour David Belliard  : «chaque fois qu’il y a une petite expression de la part du groupe EE-LV XVIe, nos partenaires l’utilisent pour créer des débats qui n’ont pas lieu d’être. On n’est pas contre le logement social. Force est de constater qu’on n’est pas dans un rapport serein. Ça ne vient pas de nous. Ils cherchent à créer du clivage». 

Hidalgo, la rose aux tracts verts

Jadot, lui, la joue pacifique. Fait mine de ne pas entrer dans le jeu de la maire, tout en déplorant, entouré de ses adjoints, les 4 000 SDF que compte Paris. L’eurodéputé veut rappeler que l’écologie politique, c’est lui, même si la sociale démocratie se verdit. Il y a quelques mois, pendant les municipales, il n’épargnait pas Anne Hidalgo, cette rose aux tracts verts. A l’époque, c’est David Belliard qui affrontait la maire sortante et Jadot qui venait prêter main forte. Elle  évacuait la question présidentielle. Pour elle, c’était Paris et seulement Paris. Lui y pensait très fort. En ciblant la candidate aux municipales, il visait aussi celle qu’il voyait déjà comme une potentielle concurrente. «Jadot a tout faux depuis le début, estime un proche d’Anne Hidalgo. Juste après les européennes, pendant sa semaine de grâce, il aurait dû lui tendre la main. Au lieu de ça, il a pris la grosse tête, s’est dit 'je vais leur marcher dessus' et a poursuivi l’erreur pendant les municipales. S’il l’avait soutenue, aujourd’hui elle serait dans une situation délicate. Mais il a essayé de la faire tomber, alors pourquoi se gêner ?»